Dans un autre article, je répond à la question « comment se définit l’estime de soi ».
Dans cet article, à travers des exemples et situations concrètes que beaucoup vivent au quotidien, j’ai envie d’illustrer les différentes causes d’une mauvaise estime de soi. En procédant de cette manière, j’espère aider les gens à comprendre quand l’estime de soi se construit et à questionner le regard qu’ils portent sur eux-mêmes.
Cela me semble essentiel car peu de personnes ont conscience qu’elles ont une faible estime d’elles-même et que cela a un coût énorme sur la santé, le bien-être, le bonheur.
Si ton estime n’est pas si bonne et que tu n’en as pas (pleinement) conscience, tu développes des mécanismes de protection. A court terme, ils sont très utiles. En revanche, à moyen et long terme, ils se révéleront handicapants. En ayant une faible estime de soi, on ose moins, notre comportement est souvent dicté par la peur.
En avoir conscience est un premier pas vers un mieux-être. Au bout du chemin de la guérison (ou plutôten chemin) : la liberté.
Au programme de cet article :
- Estime de soi : au commencement était la famille
- Bienvenue dans le système scolaire
- Le poids des réseaux sociaux sur l’estime de soi
- La réussite financière à tout prix : quel impacts sur l’estime de soi ?
⏳ Temps de lecture : 12 minutes
Estime de soi : au commencement était la famille
La recherche permet de comprendre aujourd’hui que la maltraitance, qu’elle soit physique ou verbale, mais aussi la négligence impactent le développement cognitif, émotionnel et comportemental de l’enfant.
Si par maltraitance, certains pensent avant tout aux abus physiques ou sexuels, certains sévices sont d’ordre émotionnel.
Imaginez par exemple un enfant confronté à un parent méprisant, qui n’a de cesse de rabaisser les autres, de dévaloriser leur intelligence. Un parent qui prend volontiers une posture de sachant pour affirmer sa supériorité quand on lui adresse la parole.
Comment va se sentir cet enfant lorsqu’il exprimera quelque chose ?
A force de mépris, cet enfant va sûrement intégrer qu’il est peu intelligent, indigne d’intérêt. Ancré en lui, et malgré lui, cette croyance va conditionner son comportement. S’il se considère peu intelligent, il aura sûrement du mal à exprimer son avis auprès des autres, de peur d’être moqué. Il apprend très jeune à s’effacer. En se mettant inconsciemment de côté, il se donne toutes les chances d’être effectivement ignoré, ce qui renforce sa croyance. “On m’ignore, car je ne suis pas digne d’intérêt”.
S’interroger sur les croyances dont nous avons héritées dans notre enfance est un premier pas pour comprendre le jugement que l’on porte à soi-même. sur les croyances dont nous avons héritées dans notre enfance est un premier pas pour comprendre le jugement que l’on porte à soi-même.
Bienvenue dans le système scolaire
Si je vous dis “école”, vous pensez à quoi ? Certains penseront à leurs années détestables passées sur les bancs de l’école… Je les comprends.
Un système scolaire qui encourage la comparaison à l’autre
Notre système scolaire est compétitif et individualiste. On encourage la comparaison de soi à l’autre. Et non pas la comparaison de soi à soi : D’où je pars ? Qu’est ce que j’ai envie de développer ? Quels progrès ai-je fait ? Que me reste-il à faire pour développer mon potentiel ?
C’est cette comparaison à soi-même qui est salutaire. Pourtant, la note rouge apposée sur la copie n’indique :
- Ni les progrès réalisés
- Ni le potentiel à développer
- Ni les axes d’améliorations

La note rouge hiérarchise : il y a les bons et les mauvais élèves. Et puis il y a ceux du milieu, ceux qui sont “moyens”, ce qui n’est pas non plus très inspirant, soyons honnêtes !
L’école ne valorise pas toujours le droit à l’erreur pourtant essentiel…
En outre, le droit à l’erreur n’est pas toujours valorisé à l’école. C’est absurde étant donné que l’erreur est inhérente à tout apprentissage nécessaire pour gagner en compétences… et en confiance !
Dans un article très éloquent, Delphine Martinot, Professeure des Universités en Psychologie Sociale, explique les liens entre le droit à l’erreur et l’apprentissage.
Elle indique que si les erreurs étaient perçues par les élèves comme faisant partie des processus d’apprentissage, ils comprendraient alors que “l’intelligence n’est pas une donnée fixée à l’avance et pour la vie, mais qu’elle est un potentiel à développer. (…) si les élèves sont convaincus que leur intelligence est malléable, leurs erreurs inhérentes à l’apprentissage, ils auront moins peur d’échouer”.
Les élèves qui ont des difficultés à l’école risquent de s’auto-saboter
Si un enfant n’as pas de bonnes notes à l’école, le système est tel qu’il ou elle risques de te sentir dévalorisé(e). Et ce d’autant que la réussite scolaire est une valeur très importante dans notre société. Le parcours professionnel et de vie est en bonne partie conditionné par les notes rouges des copies et le résultat aux examens.
Quand j’y pense, je trouve ça affligeant !
Nous accordons une telle importance aux résultats scolaires que les élèves en difficulté ont toutes les chances d’avoir une faible estime d’eux. Ces élèves disposent alors de ce que Delphine Martinot appelle des mécanismes psychologiques autoprotecteurs. Le problème est que si ces mécanismes sont utiles pour minimiser les blessures, ils entravent la motivation des élèves à développer leur potentiel. C’est un peu comme s’ils se forgeaient une carapace qui les protège du monde, tout en les isolant de ce même monde dans lequel ils pourraient apprendre, se développer, gagner en confiance.
Un de ces mécanismes de protection est l’autohandicap comportemental. L’élève anticipe un échec et place alors des obstacles en chemin (procrastination, abus de drogues ou d’alcool…). Si l’échec a lieu, l’élève pourra ainsi dire : “je n’ai pas réussi parce que je n’ai pas révisé, je n’ai pas fourni d’effort”. Il évite alors la pire des explications pour son estime : le manque d’intelligence.
Au-delà des valeurs de notre système scolaire, on pourrait aussi passer au crible les conditions dans lesquelles les élèves apprennent. Par exemple, que vaut notre système scolaire pour des élèves neuroatypiques (TDAH, troubles dys…) ?
Cela fait un paquet de gosses pour qui le système est parfaitement inadapté. Bon courage pour bien démarrer dans la vie !
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Le poids des réseaux sociaux sur l’estime de soi
Quel environnement porte à son comble le narcissisme, la comparaison (insensé) à l’autre, le perfectionnisme ?
Les réseaux sociaux.
Loin de moi l’envie de diaboliser les réseaux. Ce n’est pas l’outil qui est diabolique, c’est ce qu’on en fait. Les réseaux peuvent être un incroyable espace de pédagogie, de vulgarisation et d’inspiration.
Malheureusement, ils sont pensés et conçus pour capter notre attention, maximiser le temps passé sur les plateformes. Le moindre “like” ou commentaire positif vient temporairement compenser une faible estime de soi, fragilisée par les images et vidéos où règne la perfection des corps et celle d’un quotidien exempt de difficultés et de galères…
Cette mise en scène permanente est problématique. Elle peut nourrir un sentiment d’insuffisance chez les utilisateurs confrontés à des idéaux souvent inatteignables car injustes. Ceux qui se gargarisent d’avoir une vie incroyable, où le bonheur règne en permanence, sont tout simplement dans le déni de ce qu’est la vie : un chemin sinueux où il faut apprendre à composer avec nos blessures et notre passé. C’est ce qu’on appelle la résilience.
Je pourrais écrire un article entier sur l’usage problématique des réseaux sociaux qui va d’ailleurs au-delà de la comparaison à autrui (cyber harcèlement, polarisation des débats, addiction…). Mais autant vous conseiller un documentaire qui fait ça déjà très bien : “Derrière nos écrans de fumée”. Attention, ça décoiffe.
La réussite financière à tout prix : quel impact sur l’estime de soi ?
La richesse matériel, le signe de réussite sociale par excellence
Pas besoin d’aller chercher très loin pour illustrer le propos. Voici ce que Le Monde indique dans un article datant du 14 mars 2024 :
Bernard Arnault, le patron du géant français LVMH, première fortune mondiale, a reçu la grand-croix de la Légion d’honneur à l’Elysée, en présence de stars américaines, milliardaires et ministres français.
C’est un geste symbolique très fort. La légion d’honneur est la plus haute distinction française qui récompense les citoyens les plus méritants.
Le Chef de l’Etat récompense donc un homme ayant bâti un empire financier. Par ce geste, il indique clairement que la richesse (voire l’ultra-richesse, inatteignable pour la vaste majorité d’entre nous) est une source de fierté inestimable. C’est d’autant plus problématique que nous savons désormais que de tels empires financiers ne sont possibles qu’en exploitant une quantité astronomique de ressources naturelles (eau, matières premières…). Ce qui est insensé étant donné les enjeux climatiques auxquels nous faisons face.
Ne serait-il pas plus juste de décorer des agricultrices et agriculteurs dont le rôle est de nourrir tout un pays en composant avec des ressources de plus en plus rares ?
Pourquoi c’est problématique pour l’estime de soi
Revenons à nos moutons : la richesse matérielle comme signe de réussite sociale est problématique pour l’estime de soi.
Pour ça, je me réfère à une étude réalisée auprès de 2500 personnes. Que nous dit cette étude ? Construire son estime de soi sur sa réussite financière a de lourdes répercussions autant sur soi, que sur sa relation avec les autres.
D’après cette étude, les personnes qui accordent une place prépondérante à la réussite financière :
- Expriment en moyenne plus de solitude.
- Rapportent une plus grande déconnexion sociale.
- Plus elles bâtissent leur estime sur la réussite financière, plus elles se sentent sous pression, et moins libres dans leurs choix.
- Ils et elles favorisent le temps passé à travailler pour atteindre des objectifs financiers au détriment des relations avec les autres.
Ce qui contribue vraiment au bonheur
Mais avant d’en dire plus, voici quelques infos clés sur l’ampleur de ces études. Elles sont menées chaque année :
- Dans plus de ¾ des pays
- Auprès de 1000 personnes dans chaque pays étudié
- Depuis 2006 !
- Au total, ce sont plus de 2 millions de répondant(e)s.
Parmi les 6 facteurs, il y a la qualité de la relation avec nos proches. C’est le facteur le plus important pour plus de 90% des pays sondés, et il explique à lui seul ⅓ du bonheur moyen.
Le seul facteur matériel cité par ces études est le PIB par personne, qui explique ¼ du bonheur. Ce qu’il faut retenir : pour être heureux, il faut avoir assez d’argent pour subvenir à ses besoins physiologiques et avoir un minimum de confort (manger à sa faim, se protéger du froid et de la pluie, pouvoir se laver…).
Les études montrent aussi que le bonheur augmente de moins en moins vite à mesure que l’on s’enrichit. Autrement dit, l’argent ne fait vraiment le bonheur que lorsqu’il permet de sortir de la misère.
Au-delà de la qualité de la relation avec les autres et le PIB, il y aussi l’espérance de vie en bonne santé qui fait partie des 3 facteurs principaux expliquant 78% du bonheur mondial.
Les 3 autres facteurs mis en avant par l’étude sont considérés comme secondaires. Ces facteurs sont : la liberté de choisir sa vie librement, la générosité et la non-corruption des institutions et du gouvernement.
Si tu souhaites avoir du détail sur ces études, je te conseille cette vidéo qui explique très bien les différents facteurs.
🔎 A retenir
Vu les valeurs proclamées par notre société (réussite scolaire, financière, etc.), nous avons plus de chance d’avoir une faible estime de nous-mêmes.
Quel impact une société écologiquement et socialement juste aurait-elle sur l’estime des gens ? Une société qui valorise l’entraide et la collaboration ? Qui valorise l’empathie pour grandir ensemble, par et avec les autres ? Quelles conséquences de telles valeurs auraient-elles sur notre capacité à oser, expérimenter, apprendre ? A considérer aussi que les erreurs que nous commettons sont juste le reflet de notre audace et de notre courage ?
