Burn out féminin : le poids des traditions et des discriminations

Article rédigé par Margaux Damain, rédactrice spécialisée en santé mentale et vulgarisation scientifique.

Le burn out féminin est un problème de longue date. Selon Santé Publique France, les femmes sont 2 à 3 fois plus concernées que les hommes par la souffrance psychique au travail. Et ces chiffres sont constants depuis 2007.

Au programme : 

• Pourquoi les femmes sont-elles plus sujettes à l’épuisement professionnel ? 
• Les causes du burn out 
• Les symptômes 
• Burn out féminin : comment aider sa conjointe ou une amie ?

Temps de lecture : 8 minutes

Burn out féminin : pourquoi les femmes sont plus sujettes à l’épuisement professionnel

Le burn out (ou syndrome d’épuisement professionnel) est un ensemble de symptômes consécutifs à un stress chronique au travail. En d’autres termes, c’est une réponse individuelle à des problèmes d’entreprise. 

Certaines caractéristiques personnelles sont des facteurs aggravants, comme le fait d’être une femme (on va y revenir !). En revanche, il est important de garder en tête que les causes ou déclencheurs sont toujours d’ordre organisationnel. 

Le poids des tâches domestiques et du soin aux autres

Les femmes font plus de burn out que les hommes en raison de multiples facteurs.

Leur vulnérabilité au burn out tient en partie au rôle et aux responsabilités qui leur sont culturellement assignés au sein de la sphère familiale et conjugale. 

En effet, être une femme signifie souvent avoir une charge mentale supplémentaire liée : 

• aux tâches domestiques 
• au soin apporté aux autres (souvent au détriment de leur propre santé)
• aux injonctions de performance qui les empêchent d’exprimer leurs limites : être une bonne mère, une bonne épouse / amante tout en excellant au travail

A ce propos, voici quelques chiffres récents sur la répartition des tâches domestiques publiés par l’Observatoire des Inégalités : 

👉 68% des femmes font la cuisine ou le ménage tous les jours, contre 43% des hommes.

👉 31% des femmes contre 23% des hommes s’occupent quotidiennement des enfants ou proches.

Enfin, les tâches les moins valorisées et les plus fatiguantes sont plus souvent prises en charge par les femmes. 

Autrement dit, si en plus de carburer à la maison, elles évoluent dans un environnement de travail dysfonctionnel, elles ont toutes les conditions pour exploser !

Les discriminations au travail liées au genre

En parlant de stress au travail, l’étude Women in the Workplace 2024 publiée par l’entreprise McKinsey donne des chiffres intéressants sur les difficultés à évoluer dans un milieu professionnel lorsqu’on est une femme. 

Car le burn out n’est pas uniquement le résultat d’une charge de travail disproportionnée.

Ce peut être le résultat de discriminations liées au genre qui nuisent à une bonne estime de soi et qui sont aussi des facteurs de stress.

Les micro-agressions en lien avec l’expertise des femmes

Les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’être confrontées à des commentaires et des actions qui sapent leurs compétences et leur expertise.

Par exemple, 38% des femmes (contre 26% des hommes) déclarent que leur jugement est remis en question dans leur propre domaine de compétences. 

De plus, 18% des femmes (contre 10% des hommes) affirment qu’on les confond avec d’autres personnes qui sont à des niveaux inférieurs au leur. 

Enfin, 39% d’entre elles (contre 20% des hommes) indiquent être interrompues plus souvent que les autres.

Le harcèlement sexuel 

En 2024, elles sont 37% (contre 22% chez les hommes) à avoir subi une ou plusieurs formes de harcèlement sexuel durant leur parcours professionnel. 

Le harcèlement sexuel comprend un large spectre d’atteintes et de formes de maltraitance : de la blague sexiste au commentaire obscène qui leur est adressé directement en passant par les attouchements sexuels.

Les conditions réunies pour faire un burn out

Les femmes qui subissent de la maltraitance liée à leur genre sont plus sujettes à faire un burn out et à vouloir quitter leur entreprise. 

En effet, elles ont 4,2 fois plus de chance d’être en burnout. Et elles ont 2,7 fois plus de chance de vouloir quitter leur entreprise.

Le burn-out est désormais reconnu comme motif d’arrêt maladie

C’est une décision historique qui a été prise par le Conseil d’Etat en mai 2024. Cette évolution permet de mieux protéger les salariés, de reconnaître leur souffrance et de renforcer la prévention dans les entreprises.

Les causes du burn out

L’épuisement professionnel est une conséquence de mauvaises conditions de travail.

Les causes de ce syndrome peuvent être classées en deux grandes catégories : les facteurs organisationnels et les facteurs individuels. Les facteurs organisationnels sont les déclencheurs principaux. Quant aux facteurs individuels, ils sont perçus par les scientifiques comme des variables modératrices. Autrement dit, certains facteurs individuels (comme la personnalité) peuvent augmenter ou, à l’inverse diminuer le risque de faire un burn out.

Les facteurs organisationnels : les déclencheurs du burn out

L’étude scientifique Burn out : a review of theory and measurement publiée en 2022 liste les différentes causes du burn out. 

• Une surcharge de travail : trop de tâches ou des missions trop complexes génèrent un effort constant, épuisant physiquement et psychologiquement.
• Le travail émotionnel : il s’agit de devoir cacher ses émotions réelles ou d’en simuler d’autres (comme la sympathie) pour se conformer aux exigences du poste et aux codes de l’entreprise. Cela représente une charge mentale supplémentaire.
• Le manque d’autonomie : ne pas avoir la liberté d’organiser ses tâches ou d’influencer les décisions qui affectent son travail augmente le risque de burn out.
• Le manque de clarté : ne pas savoir exactement ce qui est attendu de soi ou devoir gérer des exigences contradictoires est un facteur de stress important.
• Un encadrement inapproprié : un management trop directif ou au contraire inexistant, ainsi qu’un manque de reconnaissance peuvent également provoquer de l’épuisement à moyen et long terme. 
• Le manque de soutien social : le sentiment d’isolement au travail, l’absence de soutien de la part des collègues ou des supérieurs, est un risque majeur.
• Des horaires de travail difficiles : les horaires qui rendent impossible l’équilibre vie privée-vie professionnelle, comme le travail de nuit, les longues journées ou les heures supplémentaires excessives, sont des déclencheurs puissants.

Les facteurs individuels augmentent ou diminuent le risque de faire un burn out

Le manque de confiance en soi ou des stratégies d’évitement face au stress peuvent aggraver l’effet des facteurs organisationnels. 

A contrario, l’optimisme ou des stratégies d’adaptation actives peuvent aider à réduire l’impact négatif de ces facteurs.

Les symptômes du burn out

Pour les personnes qui en souffrent, les impacts sont d’abord psychologiques : problèmes de concentration, de mémoire, anxiété, dépression, faible estime de soi, etc. Ces troubles peuvent conduire à des comportements comme l’irritabilité et une augmentation de la consommation d’alcool ou de tabac.

Sur le plan physique, le syndrome peut entraîner des maux de tête, des douleurs musculaires, des troubles digestifs, des problèmes cardiovasculaires, ainsi qu’une plus grande vulnérabilité aux infections.

Au niveau professionnel, l’épuisement se traduit par une insatisfaction au travail, une diminution de l’engagement envers l’entreprise, de l’absentéisme, mais aussi du présentéisme (être au travail sans y être vraiment efficace). À un stade avancé, le burnout peut provoquer des comportements contre-productifs, voire de l’agressivité envers les collègues ou les clients. Dans les cas les plus graves, on peut observer une dépression chronique, un isolement social, et même des tentatives de suicide.

Burn out féminin : comment aider sa conjointe ou une amie ?

Conseil #1 : l’amener à se confier en douceur

Il arrive souvent qu’une personne en souffrance soit dans le déni. Il faut donc veiller à ne pas brusquer la personne. 

L’objectif est d’exprimer son inquiétude sans jugement et d’amener la personne à un dialogue avec une question ouverte : “Je m’inquiète de ta santé en ce moment… Comment ça se passe pour toi au travail ?”. 

Essayez de commencer votre phrase en utilisant le “je” et en parlant de vos émotions et ressentis. A l’inverse, une phrase commençant par “tu” (par exemple : “tu es colérique, tu t’isoles beaucoup en ce moment”) peut sembler accusatrice même si ce n’est pas l’intention. 

Ensuite, si la personne s’ouvre à vous, laissez la parler. Autrement dit, prenez le temps d’écouter en posant des questions ouvertes et en reformulant de temps en temps. La reformulation montre que vous êtes attentive / attentif à l’autre et inspire confiance. De plus, la reformulation et le questionnement peuvent aussi l’aider à élaborer et à prendre conscience de sa situation. 

Prendre conscience des choses est la première étape quand on cherche à prendre soin de soi. 

Enfin, si la personne n’a pas envie de parler, ne forcez pas. Une simple phrase du type “si tu as besoin de parler plus tard, je suis là pour toi” a plus de chance de préserver votre lien de confiance.

Conseil #2 : si besoin lui conseiller l’aide d’un professionnel

En offrant à l’autre un espace d’élaboration, elle peut conscientiser son besoin d’être accompagnée pour prévenir, minimiser les conséquences d’un burn out ou encore se sortir d’une situation devenue trop dangereuse pour sa santé mentale et physique.

Si toutefois elle ne pense pas à consulter, vous pouvez lui suggérer. Elle peut se rendre auprès de la médecine du travail, en parler à un médecin généraliste de confiance, son ou sa manager ou encore échanger avec un psychologue.

Plus on est de lectrices averties, plus on rit !

Si vous trouvez que le burn out féminin est un sujet important, n’hésitez pas à transmettre cet article à des proches ou sur les réseaux sociaux.

Article rédigé par Margaux Damain, fondatrice de Sous le tapis et rédactrice spécialisée en santé mentale. Margaux s’appuie sur des études scientifiques (revues systématiques et méta-analyses), ainsi que sur des ouvrages de psychiatres et psychologues pour rendre accessibles les connaissances sur le bien-être psychique. Elle transforme des travaux d’experts en contenus adaptés au grand public. Son objectif ? Démocratiser la santé mentale et encourager chacun et chacune à prendre soin de soi.